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L’entrepreneur et le « struggle porn »

Struggle porn - Marc-André Lanciault

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Je suis tombé sur cet article en fin de semaine: No More “Struggle Porn”. Ça faisait longtemps que je n’avais pas lu quelque chose qui résonnait autant chez moi. L’auteur parle de « Struggle Porn« , ou en d’autres termes, la glorification de travailler comme un fou, tout le temps, constamment. Et de le partager partout sur les médias sociaux, comme si le simple fait de travailler portait en soi la garantie du succès inévitable.

Oui, être entrepreneur, c’est dur. C’est l’enfer parfois. On travaille rarement que 40 heures semaines, et on travaille souvent les soirs et les fins de semaine. Mais ça reste un choix. Ça reste la vie qu’on a choisi. Et il n’en tient qu’à nous de changer notre situation. De se trouver un emploi ou encore d’organiser sa vie pour ne pas, justement, travailler 100 heures par semaine.

Mais le problème fondamental du struggle porn est encore plus dangereux. Eliason, au sujet du message de fond véhiculé par le struggle porn:

You should be working long hours, failing for ten years, starting a side hustle to fund your side hustle. You shouldn’t be comfortable because comfort is death, or worse, mediocrity. I mean shit, he even suggests feeling suicidal is normal.

Faire comme @GaryVee

Eliason s’attaque à @GaryVee, mais surtout parce qu’il est l’un des emblèmes de ce style de vie. Et il a du charisme. Et il a du succès. Mais @GaryVee n’est qu’un des promoteurs du struggle porn. Zuckerberg en est un autre, Elon Musk aussi. On n’a qu’à scroller notre fil Facebook ou Linkedin pour voir ad nauseam des citations et des images nous encourageant à travailler fort, à ne pas lâcher, etc.

Tout ce bravado-wra-wra fait dévier le focus principal de l’entrepreneur. Au lieu de mettre toute son énergie et sa créativité à bâtir une vraie business, à générer de la vraie valeur, le hustler aura tendance à trouver de nouvelles façons de travailler fort, peu importe l’objectif ultime, tant bien que ça puisse faire une belle photo sur Instagram, Linkedin et Facebook.

Le struggle porn a en fait normalisé la culture de l’échec. Ce n’est pas grave d’échouer, on devrait échouer, c’est normal, c’est ce qui fait en sorte qu’on travaillera plus fort et qu’un jour, ultimement, assurément, (vraiment ?), le succès viendra.

Comprenez-moi bien: l’échec est sûrement une façon d’apprendre et ça fait partie de la vie. Mais faut-il vraiment la glorifier ? Jason Fried disait, il y a une éternité il me semble, que l’apprentissage par l’échec était surévalué.

I don’t understand the cultural fascination with failure being the source of great lessons to be learned. What did you learn? You learned what didn’t work. Now you won’t make the same mistake twice, but you’re just as likely to make a different mistake next time. You might know what won’t work, but you still don’t know what will work. That’s not much of a lesson.

La glorification de l’entrepreneur

Ces dernières années, il me semble qu’on a glorifié l’entrepreneuriat. On en a fait quelque chose de cool. Un lifestyle à atteindre. La liberté, le prestige, la célébrité. #entrepreneurlife #hustle #hustlehard #nopainnogain. Like-moi! a fait un excellent sketch là-dessus d’ailleurs.

Et c’est vrai que c’est hot être entrepreneur! J’aurais bien de la misère à faire autre chose de ma vie. Mais c’est généralement loin d’être glamour tout le temps. En fait, c’est comme si le struggle porn représentait la motivation artificielle dont l’entrepreneur-en-devenir avait absolument besoin pour continuer son rêve. Et c’est là que le danger survient. Le danger de se perdre en chemin. De confondre l’objectif ultime avec le moyen supposé qui assure la réussite: travailler pour travailler. Busy being busy.

Je ne suis pas mieux que les autres

Nope. Vraiment pas. J’ai été un de ces entrepreneurs qui trippaient sur le struggle porn. J’ai créé, partagé et repartagé ces clichés qui encouragent à travailler fort et à montrer qu’on travaille fort. Mais faut croire qu’on peut changer. Un peu comme quand on a vingt ans, pas de responsabilité et pas d’argent et qu’on est séduit par la gauche. Avec le temps, on a souvent tendance à se rapprocher du centre ;).

Il y a 10 ans, je travaillais effectivement comme un fou. Ma vie tournait autour de mon entreprise. C’était ma seule source de motivation. Travailler, travailler, travailler. Outwork the competition que je me disais. Mon épouse travaillait dans l’entreprise aussi. C’était notre entreprise. Et on ne parlait que de ça. Le jour, la nuit, le week-end. Et le jour où l’entreprise a disparu, elle a tout emporté sur son passage. On n’avait plus de sujet de conversation. Je n’avais plus de hobby, puisque, travailler sur l’entreprise était mon hobby. Je n’étais même plus. Car j’étais mon entreprise.

Revenir sur terre

Alexis Ohanian, co-fondateur de Reddit et Initialized Capital, mentionnait récemment au Web Summit:

“Hustle porn” is distracting young entrepreneurs from doing good work, and reinforcing sexist stereotypes that to win in tech, you have to ditch everything outside of work and devote your life to your company, a tradeoff many people (and women especially) simply cannot make.

Oui, nous sommes des passionnés. Oui, on adore notre entreprise et on est auto-motivé par le travail. Mais la vie n’est pas uniquement le travail. Il y a d’autres beaux défis aussi dans la vie. Et d’être un peu plus équilibré ne pourrait-il pas, justement nous permettre de prendre de meilleures décisions dans notre entreprise ?

Commentaires

4 réponses

  1. Tes propos rejoignent beaucoup mon état d’esprit actuellement. Beaucoup d’événements cette année m’ont fait comprendre que je faisais beaucoup ça pour nourrir les perceptions des autres. Je n’écoutais suffisamment mes besoins. Je suis à la croisée des chemins et j’ai l’opportunité d’écouter mon instinct et faire ce que je veux réellement faire de ma vie.

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